Prescription médicamenteuse en 2017 : cas du district sanitaire d’Abobo-Est Thèses

Prescription médicamenteuse en 2017 : cas du district sanitaire d’Abobo-Est

La consommation médicamenteuse occupe une part financière importante dans la prise en charge médicale. Elle représente 25 à 70% des dépenses de santé dans les pays en développement. L’augmentation de la dépense médicamenteuse serait attribuable à la méconnaissance du prix des médicaments par les prescripteurs, mais surtout à la qualité de la prescription, car 20 à 52% des dépenses de médicaments sont dues à une prescription irrationnelle.

Les principales causes de la prescription irrationnelle se trouvent dans le manque de connaissances, l’absence d’informations indépendantes sur les médicaments, la surcharge du personnel de santé, la promotion inappropriée des médicaments et les incitations financières perverses provenant des entreprises pharmaceutiques. L’usage non rationnel des médicaments est à l’origine de mauvais résultats thérapeutiques, de gaspillage d’argent, d’augmentation de la résistance aux antibiotiques et de risque d’accidents liés aux formes injectables.

Les habitudes de prescription, surtout quand cette prescription est irrationnelle, sont ainsi la principale cause de l’augmentation des frais à payer pour exécuter l’ordonnance médicale. La prescription rationnelle consiste à donner au patient les médicaments correspondant à sa pathologie, et au coût de traitement le plus bas pour lui et sa communauté.

Aussi, pour mieux cerner la problématique de l’usage irrationnel des médicaments, l’OMS et l’International Network for Rational Use of Drugs (INRUD) ont mis en place des indicateurs de prescription. A l’aide de ces indicateurs, nous avons cherché à savoir si les pratiques de prescription médicamenteuse dans le district sanitaire d’Abobo-Est étaient rationnelles. L’objectif de notre étude était d’analyser les pratiques de prescription dans les établissements sanitaires de premier contact du district sanitaire d’Abobo-Est.

Méthode de l’étude

Il s’agit d’une enquête transversale descriptive qui s’est déroulée du 10 juin au 09 Août 2019. Elle a porté sur les prescriptions issues des consultations faites dans les dispensaires de 20 centres de santé du district sanitaire d’Abobo-Est au cours de l’année 2017.

Résultats de l’étude

Sur 1 200 consultations, 958 ordonnances (79,9%) ont été exploitables pour l’enquête. Le genre des patients était mentionné dans 86,5% des prescriptions étudiées et l’âge dans 88,5%.

  • Le nombre moyen de médicaments par ordonnance était de 3,8 (ET = 1,5) ;
  • Un antibiotique a été prescrit pour 54,8% des ordonnances ;
  • 34,2% des ordonnances contenaient un médicament sous forme injectable ;
  • 79,6% des médicaments étaient des génériques ;
  • 26,5% figuraient sur la liste nationale des médicaments essentiels ;
  • l’IPRM (Indice de Prescription Rationnelle de Médicaments) était de 2,69 sur 5 ;
  • L’IPRM était plus élevé dans le groupe des établissements publics (3 sur 5) que dans celui des ONG/CSC (Organisation non gouvernementale/Centre de Santé Confessionnel) (2,6) ;
  • L’IPRM des pédiatres (3,0 sur 5) était supérieur à celui des généralistes (2,7) ;
  • Le coût moyen de l’ordonnance médicale était de 8 100 FCFA (ET = 4 187,8 F CFA) soit 12,5 € ;
  • Ce coût était significativement plus élevé dans les structures gérées par les ONG/CSC (8 955 F CFA) que dans les établissements publics (7 230 F CFA) avec p < 10-8 ;
  • L’antibiothérapie représentait 24,8% des dépenses médicamenteuses ;
  • La voie orale (75,3%) était la principale voie d’administration des médicaments prescrits ; et
  • Les 3 premières classes thérapeutiques les plus prescrites étaient les antalgiques (26,5%), les antibiotiques (18%) et les antipaludiques (16,7%).

Comment comprendre ces résultats

La méthode de notre étude donne à décrire 3 insuffisances :

  • cette enquête s’est déroulée dans les centres de santé publiques et dans les établissements de santé à but non lucratif et non dans les cliniques privées ce qui peut ne pas représenter parfaitement la population globale du district sanitaire d’Abobo-Est ;
  • les coûts des médicaments peuvent présenter des variations selon les pharmacies et influencer ainsi le coût moyen de l’ordonnance ; et
  • l’utilisation des registres de consultation des dispensaires comme réalisée de façon rétrospective ne permet pas d’obtenir toutes les informations sur les ordonnances prescrites.

Toute fois, ces insuffisances n’enlèvent rien à la qualité de cette étude.

Dans notre enquête, près de la moitier (45%) des consultations présentaient de nombreux problèmes de transcription des informations médicales, à savoir : 

  • Un défaut de notification des voies d’administration (1,8%)
  • Une absence d’indication d’ordonnance prescrite ou non (13%)
  • Une illisibilité des écritures (5,3%) ;
  • Une absence de notification du genre dans 13,5% des consultations ; et
  • Un manque de précision de l’âge dans 11,5%.

Le nombre moyen de médicaments prescrits par ordonnance était de 3,8. Ce nombre est élevé selon les recommandations de l’OMS qui préconisent un maximum de 3 médicaments par prescription.

Plus du quart des ordonnances (26%) présentait plus de 5 médicaments, ce qui pourrait s’expliquer par l’existence de cas de comorbidités et la prédominance de traitements symptomatiques.

Plus de la moitié des ordonnances (54,8%) contenaient des antibiotiques, pendant que l’OMS préconise une proportion moyenne d’antibiotiques prescrits par ordonnance inférieur à 30%.. Cette prescription élevée d’antibiotiques pourrait s’expliquer par les affections fébriles non palustres traitées de façon présomptive comme d’origine bactérienne.

Les formes injectables étaient prescrites dans un tiers des ordonnances (34,2%), là où l'OMS recommande un niveau n'excédant pas les 10%. Ce pourcentage élevé de prescriptions des formes injectables pourrait trouver son explication dans les pratiques en cas d’urgence et surtout lors de l’utilisation des antalgiques.

Les génériques représentaient 79,6% des médicaments prescrits, ce qui est loin des 100% préconisés par l'OMS.

Les médicaments de la LNME étaient prescrits à 26,5% pendant que l’OMS recommande une prescription de 100%. Comparativement aux autres études, le district sanitaire d’Abobo-Est avait la proportion la plus faible de prescription des médicaments de la LNME ce qui pourrait s’expliquer par un manque de communication sur cette liste.

L’IPRM était de 2,69 sur un total de 5 et variait entre les centres de santé. Cet indice était plus élevé chez les pédiatres (3,0) et dans les établissements publics (3,0), ce qui montre que les pratiques de prescriptions rationnelles sont plus suivies par les pédiatres et par les établissements publics.

Le coût moyen de l’ordonnance supérieur dans le district sanitaire d’Abobo-Est pourrait s’expliquer par la méconnaissance des prix des médicaments prescrits par les médecins.

Conclusion

Il faut retenir que les pratiques de prescription dans le district sanitaire d’Abobo-Est s’écartent des normes de l’OMS. Aussi, de telles enquêtes méritent-elles d’être réalisées dans d'autres districts sanitaires afin que les praticiens s'approprient les résultats et acceptent la nécessité d'améliorer leurs pratiques de prescription.

Dr AKE N'cho, MD, MPH

Contacts

(+225) 07 48 344 589

dr_akencho@yahoo.fr

 

RECOMMANDATIONS

Les résultats de notre enquête nous ont conduits à faire les recommandations suivantes :

Aux autorités politiques

  • Engager des dépenses publiques suffisantes pour maintenir la motivation du personnel médical pour l’amélioration de la qualité de ses prescriptions.

Aux autorités sanitaires

  • Mettre en place des programmes d’information, d’éducation et de communication sur la prescription rationnelle ;
  • Faire la promotion de la prescription des médicaments génériques ;
  • Vulgariser la liste nationale des médicaments essentiels ;
  • Créer des applications permettant l’accès aux prix des médicaments ;
  • Faire la promotion de la prescription selon les lignes directrices de traitement standard ;
  • Maintenir la formation médicale continue des prescripteurs ;
  • Faire des supervisions dans les centres de santé avec un retour des constats aux prescripteurs ;
  • Fournir aux prescripteurs des informations indépendantes et comparatives sur les médicaments ; et
  • dupliquer les enquêtes sur les médicaments afin de surveiller les pratiques de prescription.

Aux prescripteurs

  • Mettre en place dans les centres de santé un comité pharmaco-thérapeutique pour discuter de la qualité des protocoles thérapeutiques.

Aux pharmaciens

  • Ils doivent veiller à la bonne exécution des ordonnances médicales.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Contacts

(+225) 07 48 344 589

dr_akencho@yahoo.fr

 

 

0 Commentaire
Laisser un commentaire